En 2019, « seconde main » a gagné ses galons dans les discours institutionnels, mais sur le terrain, « friperie » reste le mot fétiche des Français d’après l’Observatoire Cetelem. Les plateformes de vente en ligne, elles, jonglent entre « occasion » et « vintage » pour séduire des clientèles aux attentes variées. Impossible de trouver une appellation universelle, chacun y va de son vocabulaire.
À la vente entre particuliers sur internet, le vêtement n’est pas toujours estampillé « fripes ». En revanche, les boutiques spécialisées n’hésitent pas à se revendiquer comme telles, même lorsqu’elles proposent des vêtements récents. Que l’on fouille dans une friperie, sur un site ou à un vide-grenier, le choix des mots fluctue selon l’ancienneté, la rareté et l’image qu’on cherche à donner à la pièce.
Pourquoi parle-t-on autant de vêtements d’occasion aujourd’hui ?
Le marché de la seconde main trace sa route à vive allure, dépassant année après année les chiffres du neuf. Selon l’Observatoire Cetelem, cette progression s’alimente à la croisée de trois courants : l’intérêt du portefeuille, la conscience écologique et l’envie de consommer autrement. La consommation responsable s’impose désormais comme une évidence pour beaucoup, portée par le rejet de la fast fashion et la volonté de tourner le dos à une industrie textile montrée du doigt pour sa pollution. L’ADEME le martèle : fabriquer des vêtements, c’est puiser dans les ressources en eau, émettre des gaz à effet de serre et contaminer durablement les sols.
La France suit ce mouvement. Désormais, le marché des vêtements d’occasion pèse plusieurs milliards d’euros et continue de grossir. Flavien Neuvy, de l’Observatoire Cetelem, souligne que « le réflexe seconde main s’installe chez les consommateurs, notamment parmi les jeunes ». Acheter d’occasion, c’est alléger sa facture, mais aussi réduire son impact sur l’environnement.
Les motivations qui poussent à adopter la seconde main sont multiples :
- Faire baisser la note lors de ses achats
- Diminuer la pression écologique liée à la mode
- Mettre la main sur des pièces originales, loin des collections standardisées
- Sortir de la logique de surconsommation et limiter le gaspillage
Le marché de la seconde main fédère désormais une vaste palette de profils : familles cherchant à optimiser leur budget, citadins attentifs à leur impact, passionnés de mode en quête d’un style unique. La dynamique englobe bien plus que les friperies historiques : plateformes en ligne et grandes enseignes rivalisent d’initiatives pour séduire ces nouveaux acheteurs.
Fripes, seconde main, vintage : quels mots pour quels vêtements ?
Dans la mode circulaire, le vocabulaire n’est jamais neutre. Le mot fripes s’invite dans le langage courant pour désigner des vêtements d’occasion, issus de dons et vendus à petits prix dans des friperies, boutiques dédiées, associations ou indépendants que l’on retrouve à Paris, Lille ou Strasbourg. Ici, pas de distinction d’âge ou de rareté : la fripe accueille aussi bien le basique du quotidien que la pièce de marque, pourvu qu’elle ait déjà vécu une première vie.
La notion de seconde main a pris de l’ampleur avec la montée des plateformes en ligne comme Vinted ou Vestiaire Collective. Sur ces sites, le vêtement d’occasion s’adresse à un public élargi, séduit par les prix, la diversité et la simplicité des transactions. En ligne ou en dépôt-vente, l’étiquette seconde main doit apparaître clairement, conformément aux exigences européennes (règlement n° 1007/2011/CE). Les dépôts-ventes, eux, fonctionnent sur sélection et commission, garantissant authenticité et qualité des pièces.
Le terme vintage ajoute une dimension particulière. Il ne suffit pas que le vêtement ait déjà été porté : il doit raconter une époque, incarner un style ou provenir d’une fabrication d’au moins vingt ans. Le vintage met en avant la rareté, la patine du temps, l’histoire. On en trouve chez Kiliwatch ou lors des salons spécialisés comme celui du Carreau du Temple à Paris, où chaque pièce devient presque un objet de collection. Ces nuances ne tiennent pas du détail : elles dessinent l’architecture d’un univers de l’occasion en pleine effervescence.
Décrypter les nuances : friperie, dépôt-vente, vêtements usagés…
Le champ lexical des vêtements d’occasion révèle une diversité de pratiques et une histoire dense. En France, la friperie est le commerce spécialisé dans les vêtements récupérés, triés et revendus à prix réduit. Qu’elles soient associatives, Emmaüs, Croix Rouge, Secours Populaire, ou privées, ces adresses font partie du paysage de villes comme Paris, Lille ou Strasbourg. À l’inverse, le dépôt-vente repose sur un principe de dépôt : le client confie ses articles, la boutique trie, sélectionne et vend, prenant une commission sur la vente. Ce modèle, soumis à la TVA sur marge, attire une clientèle exigeante, à la recherche de pièces triées sur le volet.
Voici les différences principales entre ces modèles :
- Friperies : vaste collecte, petits prix, sélection moins rigoureuse.
- Dépôts-ventes : choix à l’entrée, prix plus élevés, partage de la vente avec le déposant.
- Sites web : plateformes telles que Vinted ou Vestiaire Collective permettent d’accéder à une offre élargie, en France comme à l’étranger.
Un cadre réglementaire s’applique à ces activités : déclaration en préfecture, tenue d’un registre, étiquetage conforme au règlement européen n° 1007/2011/CE. Les vendeurs professionnels doivent aussi garantir la conformité et l’absence de vices cachés, sécurisant les acheteurs et renforçant la confiance dans le secteur.
La catégorie vêtements usagés englobe tout : du vêtement rétro déniché en boutique au simple t-shirt déjà porté. La fripe a une longue histoire : elle remonte au 19e siècle, des marchés parisiens aux rues de Venise où officiaient les strazzaruoli, ces revendeurs de vêtements ayant déjà connu une première vie. Aujourd’hui, boutiques spécialisées et économie collaborative coexistent, dessinant les contours mouvants de la mode circulaire.
La mode de seconde main, un choix responsable et tendance
Le marché de la seconde main s’impose face à la fast fashion et ses effets délétères. À mesure que l’industrie textile révèle son impact sur l’environnement, de plus en plus d’acheteurs cherchent à consommer différemment, motivés autant par des enjeux écologiques que par l’envie d’échapper aux silhouettes formatées des grandes marques. L’ADEME le rappelle : la production textile implique une consommation d’eau massive, des émissions de gaz à effet de serre et des tonnes de déchets. En choisissant la mode de seconde main, on fait le choix du réemploi, de la sobriété, du respect de la planète.
Des plateformes comme Wedressfair (créée par Marie Nguyen) et des collectifs comme Zerowastefrance incarnent ce renouveau. Acheter un vêtement d’occasion devient un acte réfléchi : on soutient une économie circulaire, on préfère la slow fashion à l’achat compulsif. Les boutiques spécialisées proposent des sélections uniques, garantissent la traçabilité, et mettent en avant l’histoire de chaque vêtement.
Cette tendance va au-delà de l’économie ou de l’écologie : elle s’inscrit aussi dans une recherche d’originalité. Que l’on flâne dans une friperie ou que l’on explore les catalogues en ligne, on découvre des vêtements qui portent chacun une histoire. La mode responsable unit le désir de réduire son impact à celui d’afficher sa singularité. Derrière chaque achat, il y a la volonté d’affirmer son style, de sortir des sentiers battus et d’écrire une nouvelle page dans l’histoire de la mode.
Le vêtement d’occasion, aujourd’hui, ne se contente plus d’être une alternative : il incarne un choix, une attitude, et parfois, une petite révolution silencieuse accrochée à une étiquette.


