Inventeur de l’apprentissage ludique : histoire et bienfaits

En 1978, un jeu électronique lancé par Milton Bradley s’impose comme une énigme sur le marché des jouets éducatifs. Simon, conçu par Ralph Baer et Howard Morrison, se distingue immédiatement par son approche séquentielle et sonore.

Ce dispositif, à la mécanique simple mais exigeante, attire l’attention des chercheurs en sciences cognitives pour sa capacité à stimuler la mémoire de travail. Son modèle est aujourd’hui étudié dans de nombreuses recherches sur l’apprentissage par le jeu et la mémorisation active.

Simon : un jeu culte né d’une idée lumineuse

Fin des années 1970, la scène du jouet électronique accueille un ovni : Simon. Ce boîtier circulaire, né de l’imagination de Ralph Baer et Howard Morrison, bouleverse les codes des jeux interactifs. Un concept limpide, presque enfantin, qui repose sur une mécanique éprouvante :

  • quatre couleurs distinctes
  • quatre sons caractéristiques
  • des séquences lumineuses à restituer avec précision

Derrière cette apparente facilité, le jeu s’impose comme un terrain d’expérience inédit. Les écoles du XIXe siècle, déjà, valorisaient le jeu éducatif : Friedrich Fröbel, Maria Montessori… Tous insistaient sur l’importance de manipuler, d’expérimenter pour assimiler. Simon reprend ce principe fondateur, mais le transpose dans une ère électronique qui renouvelle notre rapport au jouet didactique. Ici, la mémoire de travail, la concentration et la synchronisation œil-main deviennent les véritables moteurs du progrès.

En quelques années, Simon s’inscrit au panthéon du jeu populaire et de la culture éducative. Plus qu’un simple loisir, il devient une expérience partagée, où chacun mesure ses capacités, tente de dépasser ses limites, seul ou en groupe. Les séquences de lumières ne se contentent pas de divertir : elles sollicitent intensément l’esprit, favorisent l’apprentissage par la répétition et affûtent les réflexes cognitifs.

Sa longévité en dit long : Simon traverse les décennies, preuve vivante de l’attrait des jeux de mémoire pour l’éducation et la culture. Les barrières entre acquisition de connaissances et amusement s’effacent, consacrant un modèle où l’élève joue et apprend dans le même mouvement. Le triomphe de Simon confirme la force du ludique comme vecteur de transmission, prolongeant l’héritage des puzzles modernes et des jeux de société tournés vers l’apprentissage.

Qui sont les inventeurs derrière le succès de Simon ?

Le principe du puzzle éducatif remonte à l’Angleterre du XVIIIe siècle. John Spilsbury, graveur et cartographe, façonne en 1760 une carte d’Europe découpée sur bois. L’enfant, en reconstituant les morceaux, découvre la géographie de manière concrète et active. Avec ce geste, Spilsbury ouvre la voie à une nouvelle pédagogie : apprendre en jouant.

Ce filon inspire toute une génération d’éducateurs. Friedrich Fröbel crée le Kindergarten et imagine une série de jeux éducatifs, les « Fröbelgaben », pour stimuler l’esprit dès le plus jeune âge. Pauline Kergomard, pionnière de l’école maternelle en France, défend l’introduction des jouets à l’école et promeut la pédagogie du jeu. Irène Lézine, quant à elle, intègre le jeu dans la petite enfance et contribue à l’élaboration du célèbre baby-test Brunet-Lézine, outil de mesure du développement de l’enfant.

Pestalozzi, Montessori, Dewey, Buisson… tous ces noms gravitent autour de la même conviction : manipuler, expérimenter, vivre l’apprentissage. Grâce à leurs apports, le puzzle devient un outil éducatif incontournable, ouvrant une ère où la curiosité et l’expérimentation priment sur la récitation. Simon, héritier de cette tradition, insuffle à son tour un souffle nouveau sur l’apprentissage ludique.

Comment fonctionne Simon et pourquoi fascine-t-il petits et grands ?

Simon, avec sa forme ronde reconnaissable et ses boutons colorés, captive dès le premier regard. Son principe ? Quatre touches, chacune liée à un son. L’appareil lance une succession de signaux lumineux et sonores. À chaque tour, il faut mémoriser et reproduire la séquence. Plus on avance, plus la suite s’allonge, et la difficulté grimpe.

La progression rapide met à l’épreuve l’attention, la mémoire immédiate, la concentration. Simon devient une sorte de parcours d’obstacles mental où chaque erreur se paie comptant. Derrière le jeu, un véritable outil pédagogique se cache, mobilisant la mémoire de travail et l’orientation temporelle. Plusieurs études en neurosciences soulignent cet effet bénéfique sur le développement cognitif des plus jeunes.

Ce qui distingue Simon, c’est aussi sa capacité à créer du lien. Les parties s’enchaînent et rassemblent autour de la table enfants, parents, amis. Chacun encourage, observe, commente. L’atmosphère devient collective, rappelant les meilleurs moments des jeux de société. D’une génération à l’autre, Simon conserve son pouvoir de rassemblement, provoquant la même tension à chaque séquence, la même jubilation à chaque réussite, le même sourire complice à chaque échec.

Accessible et exigeant à la fois, Simon s’adresse à tous : novices en quête de plaisir immédiat, experts désireux de repousser leurs limites. Son rituel lumineux et sonore devient un repère, une expérience marquante qui s’inscrit dans la mémoire collective bien au-delà du simple divertissement.

Jeune femme aidant enfants à construire avec des blocs dans un parc

Jeux de mémoire : en quoi Simon se distingue-t-il des autres ?

À l’heure des jeux électroniques toujours plus sophistiqués, Simon trace sa voie. Il ne se contente pas de faire appel à la mémoire : il propose une immersion sensorielle, collective et accessible. Là où Tetris, pensé par Alekseï Pajitnov, privilégie la logique spatiale et la vitesse, Simon s’oriente vers la progression séquentielle et l’enchaînement rythmique. Face à une suite de couleurs et de sons, le joueur doit faire preuve de mémoire immédiate, mais aussi d’anticipation, de gestion du stress et de coordination entre gestes et attention.

Les jeux vidéo récents, à l’image de Minecraft ou des serious games, encouragent l’exploration ou la construction, mais Simon reste singulier : pas d’histoire, pas d’univers à découvrir, juste une mécanique dépouillée, la tension d’un défi pur et direct. Cette absence de scénario déplace tout l’enjeu sur la performance cognitive. Conçu dans les années 1970, le jeu défie toujours l’homo ludens cher à Johan Huizinga : jouer pour apprendre, jouer pour se dépasser.

Pour mieux situer Simon parmi ses contemporains, voici quelques repères concrets :

  • Donjons & Dragons : favorise l’imagination et la coopération, mais met la mémoire immédiate en retrait.
  • Lego Serious Play : développe la créativité collective, pendant que Simon cible la mémoire individuelle et l’agilité réflexe.

Sa popularité ne se dément pas, car Simon réussit là où beaucoup échouent : il rassemble petits et grands, sans distinction, autour d’un défi universel. Mémoriser, reproduire, recommencer. Dans l’esprit de la culture du puzzle et de l’apprentissage par le jeu, Simon incarne la démonstration la plus pure de l’apprentissage par la répétition et l’erreur. Stanislas Dehaene, avec le concept d’homo docens, rappelle que l’homme apprend en testant, en se trompant, en essayant encore. Simon, sans discours ni fioritures, en fait la preuve, accessible à tous, génération après génération.

Ce boîtier lumineux n’est pas près de disparaître des salons et des salles de classe : tant qu’il restera des séquences à mémoriser, Simon trouvera des joueurs prêts à relever le défi, et à s’étonner de leurs propres progrès.

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